Luis Angel-Lalanne, VP of Customer Listening chez American Express

“La voix du client”, un programme essentiel pour American Express


Dans cette interview, Luis Angel-Lalanne nous dévoile sa vision de l’Expérience Client à l’échelle internationale, l’autonomie d’action accordée aux employés d’American Express et surtout, la meilleure façon d’incarner la voix du client.

Je souhaitais occuper une fonction au cœur de la relation client

Quelle est votre parcours chez American Express?

Depuis trois ans, j’évolue dans l’univers CX mais je suis entré chez AmEx, il y a dix-neuf ans. J’ai passé dix ans à la gestion des risques puis cinq ans au « Compliance monitoring» où j’ai pu me faire une petite idée de ce qu’était l’Expérience Client en faisant partie d’une équipe qui écoutait les appels téléphoniques mais ce que je voulais avant tout, c’était être au plus proche du client, occuper une fonction au cœur de l’identité d’AmEx.

Quelle place occupe l’Expérience client dans la culture d’ American Express?

Le service, c’est une longue histoire chez AmEx, ça fait partie de son ADN, l’entreprise a été créée, il y a 168 ans. L’Expérience client est actuellement très en vogue et c’est une bonne chose pour nous, cela nous incite à nous dépasser pour être les meilleurs.

L’expérience client structure notre conception du service mais elle est également une source d’informations qui l’alimente et l’influence. Nos clients y sont très sensibles, pour eux, c’est le gage que nous saurons répondre à leurs attentes. La relation client est tellement inscrite dans l’histoire et la culture d’AmEx que je n’avais qu’à suivre le mouvement et développer une demande qui existait bien avant mon arrivée.

Auriez-vous un exemple à nous citer pour illustrer la qualité du service?

L'année dernière, un client AmEx et sa famille était à Diwali en Inde. Ils se sont amusés à lancer des feux d'artifice et l’histoire a mal tourné, la belle-sœur de notre client a eu le corps brûlé. Ils se trouvaient alors à 250 km au nord de Mumbai, ne sachant comment agir alors que cette femme devait être prise en charge de toute urgence. Notre client a contacté AmEx et notre téléconseillère a organisé rapidement un vol sanitaire pour aller les chercher et les amener au Centre national des Grands brûlés. Parallèlement, elle a convaincu l’organisme de crédit d’accepter toutes les transactions sans réserve de leur part. Ce type de cas est plutôt rare mais j’ai été stupéfait de découvrir que dans une situation aussi dramatique, notre client a eu eu le réflexe de nous contacter pour qu’on l’aide, nous, une société de cartes de crédit. Pour moi, cette histoire est à l’image de notre culture client – je ne prétends pas que nous soyons parfaits mais c’est très inspirant.

Comment partagez-vous cette voix du client avec l’ensemble de vos employés?

Nous avons lancé plusieurs petites initiatives, comme installer quatre cabines téléphoniques reprenant le fameux style londonien mais peintes dans un bleu AmEx dans notre service client. Dans nos bureaux où nous n’avons pas la présence de gros centres d’appels, nous avons installé un petit iPad afin que chacun puisse prendre connaissance des appels téléphoniques. C’est un autre moyen pour nos responsables front office de connaître la réalité du service client sans devoir y être en permanence. Nous essayons donc de sélectionner au quotidien, les appels téléphoniques les plus pertinents à écouter.

Quelle place accordez-vous à l’autonomie d’action de vos équipes?

Nos équipes front office bénéficient d’un cadre qui leur permet d’agir en toute autonomie. Nos employés sont sensibles à l’impact positif de leurs actions, on a tous besoin de faire des choses qui ont du sens. Cette réalité, nous l’avons formulée de trois façons : faciliter leur activité, exprimer notre reconnaissance et résoudre leurs problèmes. On pourrait dire la même chose à l’égard de nos clients. Parfois, le moyen le plus direct d’exprimer sa reconnaissance envers un employé pour la qualité de son travail, c’est de le remercier pour toutes ses années passées chez nous. Je sais que c’est facile à dire mais ce ne sont pas que des paroles en l’air.

Comment motivez-vous vos téléconseillers?

Nos employés ont la liberté de faire ce qui leur semble juste pour le client

Nous cherchons la meilleure approche et testons de l’ incentive à aux scorecards. Nos téléconseillers ont la liberté de faire ce qui leur semble juste pour le client et ce qui leur convient le mieux au cours d’une transaction, ils ne disposent pas de scripts d’appels. Une des choses les plus efficaces est d’être transparent et de leur donner accès aux résultats. Lorsque leur chef d'équipe doit les coacher, si les résultats du sondage sont mauvais, l'appel téléphonique est réécouté et on connaît avec précision les réponses du client à chaque question ainsi que son commentaire.

Le feedback du client et son niveau de satisfaction constituent encore le meilleur incentive.

Comment faites-vous pour obtenir davantage de commentaires clients?

En 2007, nous avons lancé un système d’incentives individuels à l’attention de nos téléconseillers, c’est de loin ce qui est le plus efficace. Ce n’est pas juste un programme trimestriel, ni même annuel, ni même tous les deux ans, on le pratique depuis des décennies. Tous les mois, nous sortons un rapport mensuel qui intègre toutes les données transmises par nos cadres supérieurs et l’Expérience client figure au top. Nous consacrons également une page aux verbatim du mois, positifs comme négatifs, regroupés par thème, produit et service. Donc, sur cette première page, on transcrit toutes les données, ce qui se passe et les objectifs à atteindre. Sur la seconde page, on récupère de nos employés, dans la mesure du possible, les commentaires de nos clients.

Connaissez-vous les stratégies CX des autres grandes entreprises?

Gardez toujours à l’esprit qu’un sondage, c’est une expérience en soi

Nous aspirons à être la plus grande marque de services au monde, pas seulement dans le domaine financier. Bien évidemment, nous sommes au courant de ce que font les grandes marques et la façon également dont elles responsabilisent leurs employés.
Nous nous intéressons autant aux hôtels comme le Ritz Carlton, les Hyatt qu’à Starbucks - plus « mass market » - Notre spectre est très étendu et ne se limite pas aux marques de prestige.
Notre ambition a toujours été d’être la marque de service la plus respectée au monde, un défi permanent chez AmEx. Nous réalisons donc des benchmarks en demandant simplement aux gens quelles sont leurs expériences en matière de service, qu’il s’agisse d’une marque de voiture, d’un hôtel ou d’un autre système de carte de crédit. J’analyse attentivement les résultats de chaque sondage pour savoir comment on se situe, quelle est notre représentation. On doit toujours garder à l’esprit qu’un sondage, c’est une expérience en soi. Cette année, nous avons décidé de revoir entièrement nos sondages avec la collaboration de Qualtrics qui a contribué à les rendre plus courts, plus percutants, plus performants.
Notre taux de réponse est de 2,5 à 3 fois supérieur.

Comment envisagez-vous l'avenir de l’Expérience client (CX)?

Maintenant que nous disposons de nouvelles technologies, nous souhaitons modéliser avec précision la satisfaction client et ne pas nous fier uniquement aux sondages, même si nous avons des taux de réponse qui ont doublé voire triplé. Nos enquêtes de satisfaction ne concernent désormais qu’une partie des échanges avec les clients. L’analyse vocale est un moyen de mesurer la satisfaction client et d'améliorer les données et les techniques de modélisation. De belles opportunités vont se créer dans l’avenir, de nombreux programmes CX sont presque organisés comme des usines.

Lancer des widgets au quotidien, envoyer des sondages, collecter des réponses, tirer des enseignements des expériences de nos télé-conseillers et améliorer nos process pour nos dirigeants, n’est en rien agile, flexible et ne répond pas aux questions que l’on se pose en interne. Je rêve de pouvoir modéliser la satisfaction client, afin d’utiliser les études davantage comme outils de recherche. J'espère que les dispositifs deviendront bientôt moins rigides. On peut toujours exploiter les résultats des enquêtes mais en les associant avec d’autres types de recherche. Je souhaiterais à l’avenir que ces deux principes soient complémentaires et non plus, totalement dissociés.

Quelles recommandations feriez-vous aux « junkies » CX?

Saisissez chaque étude qui se présente à vous
 

Saisissez chaque étude qui se présente à vous et regardez-la attentivement. Chercher à comprendre la forme, le fond, en quoi cela fait écho à votre propre expérience. J’applique toujours ce principe avant de les transmettre à mon équipe. C’est une étape que je trouve formidable à expérimenter même si certaines personnes pourraient la trouver ennuyeuse. Recevoir chaque jour des informations concurrentielles, c’est une vraie chance.

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